«Omar, un sourire pour la photo», lance mardi soir une jeune Sénégalaise à l’adresse de la star française Omar Sy, cherchant dans la cohue un peu d’espace pour faire sa mise au point avec son smartphone. L’acteur se prête à l’exercice, visiblement heureux et impatient de montrer son prochain film dans son pays d’origine. Tirailleurs, du réalisateur Mathieu Vadepied, raconte l’histoire du jeune Thierno, recruté de force dans un petit village sénégalais par l’armée française en 1917, et de son père qui s’enrôle volontairement pour veiller sur lui dans l’horreur des tranchées. Ils furent ainsi plus de 200.000 à se battre pour la France au cours de la Grande guerre. «C’est complètement mon histoire. C’est complètement mon identité», déclare Omar Sy, également coproducteur du film.
À la sortie, les spectateurs se retrouvent par petits groupes et livrent leurs impressions sur le film et sur l’Histoire. Le sentiment d’injustice est vif. «Il y a une sensation de colère et de tristesse en regardant ce film. Ce sont nos ancêtres qui sont allés défendre une patrie qui n’est pas la nôtre», déclare Mohamed Seck, étudiant sénégalais de 23 ans. Pape Malick Thiam, 30 ans, regrette une représentation «négative» de certains tirailleurs, «qui se querellent entre eux» et «dont l’un des héros finit par abandonner ses valeurs religieuses au contact des blancs». «C’est une injustice mais on peut aussi le prendre positivement parce qu’il fallait bien que nos grands-parents aident un peu la France», dit de son côté Moustapha Ndiaye, 37 ans.
Pour tous, l’image du tirailleur est associée au manque de reconnaissance et au massacre de Thiaroye, où des dizaines de soldats africains qui s’étaient révoltés pour réclamer des arriérés de solde furent tués par l’armée coloniale française le 1er décembre 1944. Le besoin de voir cet épisode porté à l’écran semble réel. «Il faut que les gens aillent voir ce genre de films. C’est très important de mettre les tirailleurs en valeur et de montrer ce qu’ils ont fait pour la France, d’autant plus qu’on n’en parle pas beaucoup à l’école», estime Athiel Gaye, une Franco Sénégalaise de 29 ans qui a grandi en France. «Ce genre de films est essentiel», confie Salomé Ba, étudiante franco sénégalaise de 21 ans qui a beaucoup lu sur le sujet. «On en a besoin pour toucher les esprits et pour le devoir de mémoire. »



