Voilà donc un homme qui, il y a quelques mois encore était Ministre d’Etat et même considéré par certains observateurs avertis comme le vrai chef du gouvernement dans l’éphémère équipe de Lyès Fakhfakh. C’est dire s’il doit être conscient de ses déclarations et de ses positions.
La « Conscience » est d’ailleurs inscrite parmi les trois valeurs qui composent la devise du Courant démocratique (Ettayar)dont Abbou est le fondateur et l’ex-secrétaire général.
Mais à lire et à écouter certains des propos que Mohamed Abbou a tenus lors de son passage hier à Radio Mosaïque, on est pris par un double sentiment d’inquiétude et de frayeur.
Dans son intervention Mohamed Abbou dit toute son aversion pour Ennahda. Il n’est pas le seul et c’est son droit absolu, même si en politicien responsable il devrait faire preuve de plus de retenue et de pondération et éviter en tant qu’ancien membre de gouvernement de se conformer à la tendance générale et hurler avec les loups.
Mais là où les mots de l’ancien Ministre d’Etat font peur c’est quand il justifie son hostilité envers Ennahdha en l’accusant d’être responsable de l’augmentation du taux de l’athéisme dans le pays. Autrement dit, la politique suivie par le Mouvement islamiste a causé l’accroissement des athées en Tunisie.
Soyons sérieux.
Qu’un citoyen de lambda tienne de tels propos, on peut à la limite l’accepter et en rire.
Mais que ce soit Mohamed Abbou, ancien opposant à Ben Ali, militant des droits de l’homme, artisan avec sa chère épouse de la transition démocratique et, last but not least, deux fois membre du gouvernement, nous disons stop, là il y a problème.
Ou bien Mohamed Abbou croit et veut faire croire qu’Ennahdha est un mouvement de prosélytisme religieux cherchant à convertir à l’Islam des citoyens dans un pays ou l’islam est constitutionnellement sa religion, alors que ce parti s’en défend en affirmant et en démontrant qu’il est une formation politique, certes de référence islamique, qui vise, comme tous les partis, à conquérir le pouvoir et à le garder.
Ou bien il cherche dans un nouvel élan populiste à se rallier les extrémistes religieux en dénonçant les infidèles et athées.
Ou bien encore, entraîné par sa révulsion envers Ennahdha, il a laissé ses propos devancer sa pensée, servant d’ailleurs Ennahdha par là où il a voulu lui nuire.
Dans tous les cas de figure Abbou prouve par ses propos clairs et sans ambage qu’il tient l’athéisme et les athées dans une petite estime et qu’il les désapprouve et les condamne. Ce qui est affligeant et incompréhensible de la part d’un ancien militant des droits de l’homme, et est fort inquiétant d’un acteur majeur de scène politique nationale.
Mais le plus grave encore est qu’en adoptant une telle attitude l’ancien Ministre d’Etat met en danger le choix démocratique de tout un pays en sapant et en torpillant l’essentiel acquis de la révolution, inscrit dans l’article 6 de la Constitution: « …l’Etat garantit la liberté de croyance, de conscience et le libre exercice des cultes… ». Être athée serait-il un crime selon maître Abbou?
Non Monsieur Abbou, l’hostilité contre un adversaire politique ne t’autorise pas tout .Et surtout pas de toucher au plus précieux de nos acquis.
Kbaier Zoghlami