C’est la première fois depuis la Révolution que la Tunisie fait l’objet d’une proposition de résolution et d’un débat en plénière au Parlement européen(PE) de Strasbourg.
C’est donc événement d’importance dont on aurait bien pu se passer notamment par ces temps qui courent où notre pays vit la pire crise de son histoire, et que d’autre part, elle attend de l’Union européenne(UE), son premier partenaire avec un volume d’échange qui atteint les 75%, un appui, voire l’aide lui permettant de voir le bout du tunnel.
Certes, les résolutions du PE, on le sait, n’ont pas de caractère contraignant à l’égard des pays tiers, même si notre pays, lié depuis juillet 1995 par un accord d’association, entré en application en 1998 et renforcé à partir de 2005 par la politique de voisinage qui a fait de la Tunisie un pays prioritaire dans la région, doit être particulièrement attentif aux décisions que les eurodéputés prennent le concernant, et ne doit point les prendre à la légère ou en sous-estimer la portée.
Le Parlement Européen, autrefois soumis à la Commission européenne organe dit d’initiative, a en effet corrigé depuis quelques années ce déséquilibre et pris un ascendant sur les organes des décisions de l’Union. Ses délibérations ont donc des répercussions importantes sur les relations entre l’UE et ses États membres les plus influents appelés à donner l’exemple dans la défense des valeurs qui fondent cette union, et les pays associés comme le notre pays sur son image et surtout la crédibilité de son processus démocratique.
L’Union européenne qui a choisi de mener une « politique étrangère de projection », essaie toujours d’exporter ses valeurs dans l’espace des pays avec lesquels elle est liée par les accords d’associations. Pour y parvenir, elle utilise les moyens dont elle dispose et notamment l’attribution ou le retrait d’aide et même l’application de sanctions économiques. Et même si cela n’est jamais arrivé jusque-là, l’Union peut théoriquement dénoncer l’accord d’association et y mettre fin quand elle constate une défaillance avérée.
En fait, en prêchant le dialogue comme approche constructive, l’Union européenne en a fait son moyen privilégié pour parvenir à créer une relation durable avec ses partenaires. Le dialogue est une exigence fondamentale et l’Union européenne le demande pour ses relations avec les pays associés mais aussi au sein de ces pays- mêmes, avec les différents acteurs politiques et la société civile. Il n’est donc pas étonnant que le Parlement, aussi bien que la Commission européenne et le Conseil par la voie du Haut représentant des affaires étrangères et la politique de sécurité, en fassent la demande expresse à l’autorité tunisienne, en l’occurrence au Président de la république qui réunit depuis le 22 septembre tous les pouvoirs entre ses mains.
Le respect de la démocratie, des droits de l’homme et de l’Etat de droit constitue un élément « essentiel » de l’accord d’association. Ces valeurs constituent le socle sur lequel est bâtie l’Union européenne, le chargent d’une « mission civilisatrice »qui donnent tout son sens à cette Union restée pendant des décennies handicapée par son caractère de rassemblement économique de ses débuts en 1957.
Il faut comprendre que pour l’Union européenne la démocratie, c’est la démocratie représentative et qu’incarne si bien le Parlement européen. Aussi, quand dans le texte de la proposition de la de résolution sur la Tunisie il est demandé au Président du Parlement Européen d’en transmettre une copie au Président de l’Assemblée des représentants du peuple, cela ne fait aucun doute que les eurodéputés veulent envoyer un message pour dire qu’ils se mobilisent pour « le retour de l’ordre constitutionnel »en Tunisie.
Maintenant il faut admettre qu’avec cette résolution qui sera certainement adoptée jeudi, un mal est fait. Il faut maintenant éviter que notre pays ne devienne la cible des eurodéputés, et que ses intérêts immédiats aussi bien que son crédit de seul pays rescapé du Printemps arabe, ne soient menacés.Les conseillers du Président Saied seraient bien inspirés de se rappeler ces vérités.
Par Mohsen Lasmar