Il faut accorder du crédit à Youssef Chahed quand il affirme dans sa récente intervention, que la préoccupation du gouvernement doit être la pandémie de la Covid-19. Rien que la pandémie de la Covid-19. Tout pour la pandémie de la Covid-19.
L’ancien chef du gouvernement est bien placé pour savoir que plus que n’importe quel autre pays, la Tunisie est de par sa taille, sa spécificité urbaine, sa réalité démographique et sa nature géographique en grave danger.
En ayant déjà largement dépassé les 10 000 décès, le virus ne met pas seulement en péril la vie de pans entiers de la population tunisienne dont l’Histoire prouve que pour toutes les particularités précédemment citées, les pandémies lui ont toujours été fatales, mais aussi pour l’avenir de tout le pays.
On ne parlera pas ici de l’économie, du tourisme ou de l’agriculture qui constituent toutes des questions importantes et urgentes. Ni d’ailleurs de l’éducation ou de la culture toutes aussi essentielles. On parle de l’avenir dans sa globalité. Un avenir qui ne semble hélas, préoccuper personne alors que tout un chacun sait que l’après Covid-19 ne sera plus désormais comme l’avant.
Aussi, et pendant que le gouvernement s’affaire à gérer la pandémie après de longues et incompréhensibles tergiversations, il parait capital d’instaurer dès maintenant une réflexion sur l’après-crise afin de tirer les leçons permettant de dessiner cet avenir. Trois grandes leçons méritent particulièrement d’être retenues.
La première a trait à notre diplomatie nationale aujourd’hui perdue entre la présidence de la république et celle du gouvernement, et qui vient de prouver à l’occasion de cette pandémie les limites de son action et de son rayonnement. Libérée pourtant par une révolution inespérée et un projet démocratique quasi-unique dans le monde arabe, notre diplomatie peine à bouger pour promouvoir l’image du pays, montrant à l’occasion son incapacité à défendre ses intérêts politique, économique et culturel. L’image du reste vraie, que diffusait la diplomatie d’une Tunisie ouverte, diverse, active, et entreprenante tant dans son espace géopolitique que mondial s’est estompée. Et c’est bien plus grave qu’on ne pense. Car cela atteint le Tunisien dans son identité moteur de son existence et de son évolution.
Problème de formation, et donc de compétence? Manque de vision politique? Mauvais choix et absence de priorisation? Une chose est sûre: l’atonie de notre diplomatie est trop voyante pour qu’on ne le remarque pas et pour qu’on ne pense pas que sous le vieux Caïd Essebsi ou même son prédécesseur Moncef Marzouki la Tunisie aurait eu depuis des mois déjà, son lot de vaccins anti-Covid.
La deuxième leçon concerne l’urgence. L’expérience de cette pandémie de la Covid-19 a démontré la nécessité d’apprendre à gérer l’urgence et à adapter les moyens existants pour face à l’imprévu.
Petit pays situé au cœur d’une région méditerranéenne agitée, la Tunisie est susceptible de connaître des imprévus internes et externes. Cela va des inondations aux opérations terroristes et jusqu’aux pandémies. Le déploiement du personnel de la santé, son dévouement et sa capacité à supporter le poids de la demande est une preuve que l’entente entre les divers acteurs politiques et sociaux est fondamentale. Il faudra valoriser cette entente et œuvrer à la généraliser à d’autres secteurs. Il faudra surtout développer une culture d’urgence en privilégiant la préparation au lieu de la réaction.
La troisième leçon à tirer de cette pandémie mérite d’avoir pour titre l’Etat. Oui, l’Etat a des rôles que seul lui peut jouer. La santé est parmi ces rôles-là.
La pandémie aura permis de mesurer la déficience des autorités publiques qui ont minimisé pendant des décennies la santé publique, cédant la place aux entrepreneurs privés qui n’ont cessé de s’étendre autant que le public n’a cessé de se réduire comme peau de chagrin.
Investir et valoriser, voilà les deux seuls verbes qui vaillent pour ce secteur vital-sans jeu de mots-pour l’avenir des Tunisiens et de la Tunisie.
Mohcen Lasmaar