Un gouvernement d’union nationale?
La question était dans l’air.Elle est désormais posée depuis la déclaration vendredi dernier sur la Radio nationale du porte-parole d’Ennahdha, Fethi Ayadi, affirmant que le premier parti au Parlement et principal soutien de l’actuel chef du gouvernement, « serait pour un remaniement menant à une équipe politique à la Kasbah ».
Nous y voilà donc: un gouvernement formé de ministres politiques en lieu et place du gouvernement actuel dit d’indépendants. Mais Ennahdha qui a misé sur Hichem Mechichi pour réduire les ambitions présidentialistes de Saïd et lui tenir tête, ne serait cependant pas prête à le lâcher et annonce vouloir le garder.
Ce serait donc un gouvernement politique autour d’un chef de gouvernement indépendant. L’idée est séduisante, mais est-elle réalisable? Et réaliste, surtout?
Rappelons que l’actuel gouvernement dit d’indépendants a été formé dans l’urgence pour pallier les contraintes de l’échec d’Ennahdha de former son gouvernement, offrant sur un plateau d’argent à Kaïs Saïd-qui n’attendait que cela, la possibilité d’avoir la haute main sur tout l’exécutif et contrôler, à travers un chef de gouvernement qu’il nomme lui-même, ce qui échappe à ses prérogatives. La nomination de Lyès Fakhfakh devait répondre à l’aspiration de Saïd. Raté. Fakhfakh qui trainait quelques casseroles a été rapidement contraint à la démission. Saïd recommença et nomma Hichem Mechichi qui paraissait alors bien malléable et docile. Encore raté: l’ancien ministre de l’intérieur s’est avéré plus « indépendant »et coriace que ne pouvait le penser son mentor. Mechichi chercha aussitôt à s’affranchir en allant s’entourer d’une « ceinture politique » suffisamment confortable pour le mettre hors d’atteinte de Kaïs Saïd qui n’a plus depuis qu’un seul désir: faire tomber son ancien protégé qu’il accuse publiquement de trahison, voire de félonie. Mais pour le locataire de Carthage la vengeance est un plat qui se mange plutôt chaud. Aussi, a-t-il vite fait de trouver l’astuce permettant de freiner la dynamique suscitée par le remaniement ministériel opéré par Mechihi en janvier dernier: refuser de recevoir la prestation de serment des nouveaux ministres sous prétexte que des soupçons de corruption pèsent sur le compte de certains des ministres proposés. Qui sont donc ces ministres? Le Président n’en dit pas plus, préférant entretenir une ambiance de méfiance qui, depuis des mois déjà, entrave la marche du gouvernement et partant, de tout un pays en butte par ailleurs à toutes les difficultés économiques et, qui plus est, frappé de plein fouet par la Covid-19.
C’est dans ce cadre que s’inscrit l’idée d’un gouvernement politique d’union nationale qui remplacerait l’actuelle formation et débloquerait une situation de paralysie qui a trop duré.
Ce gouvernement aurait pour objectifs de remettre en marche le pays en recréant une dynamique favorable au travail et à l’investissement. Il briserait le cercle vicieux dans lequel les attentes dépassent les moyens, causant mécontentent et perte de confiance.
Le plus important surtout serait que ce gouvernement d’union nationale limiterait les dégâts d’une polarisation en mettant à contribution le maximum des partis politiques les plus représentés et en les responsabilisant.
Il faut dire enfin, qu’un gouvernement d’union nationale, et donc un gouvernement politique, outre le fait que ce serait un retour à la nature des choses dans une démocratie représentative, redonnerait leur rôle à chaque acteur selon ce que lui définit la Constitution.
Président, ministre, député chacun s’en tiendrait à son rôle, et comme dit le proverbe: « chacun chez soi et les moutons seront bien gardés ».
Mohcen Lasmar